Plus de quarante mille personnes se trouvent sans abri au quartier Kimbwala 2, communément appelé «Mideda» dans la commune de Mont Ngafula à Kinshasa, a constaté un reporter de Radio Okapi, ce vendredi 14 septembre. Un greffier de justice, accompagné de policiers, a délogé les occupants de plus de cinq cents habitations de ce quartier, soutenant que cette concession appartiendrait à un certain Mideda.
La tension était forte, ce vendredi matin, au quartier Mideda dans la commune de Mont Ngafula. Toutes les maisons de ce quartier étaient envahies par des policiers et autres agents de l’Etat en tenue civile. Les propriétaires et les meubles étaient tous jetés dehors.
Les habitants ont affirmé n’avoir pas compris pourquoi ils sont délogés, alors qu’ils disposaient de tous les documents parcellaires. L’une d’eux a témoigné:
«En 1995, Mideda avait eu un jugement par contumace. Nous avons fait au moins sept ans. Et nous avons gagné Mideda au niveau du tribunal de grande instance, de la cour d’appel. Nous sommes allés ensuite en cassation. Nous avons eu le certificat de non pourvoi en cassation contre Monsieur Mideda, qui disait que a concession lui appartenait.»
L’officier du parquet qui dirigeait l’opération de délogement a dit être venu exécuter un jugement attribuant cette concession à Monsieur Mideda Ikulanda.
Pour sa part, le chef de quartier Kimbwala, Pascal Onema, a dénoncé l’exécution d’un «jugement inconnu» sans en informer l’autorité administrative locale:
«Moi, je représente toutes les institutions [du pays dans ce quartier]. Qu’on m’informe, quant même ! Le bourgmestre n’est pas au courant. Moi, je ne suis pas au courant. Ces gens-là qu’on a mis dehors, entre trente et quarante mille, qui va les reloger aujourd’hui ? »
Les conflits fonciers sont légion à Kinshasa, comme partout en RDC. En mai 2010, les participants à la conférence sur la problématique foncière avaient estimé que 65 % de litiges portés devant les cours et tribunaux tournaient autour des conflits fonciers et immobiliers en RDC. «Ces chiffres inquiètent et découragent les investisseurs», selon les mêmes sources.
Cette situation est due notamment à la corruption, au non respect de la loi foncière et à la multitude d’intervenants dans ce secteur. Lors de l’ouverture de ces assises, le secrétaire général du ministère des Affaires foncières, Aluma Musayi, avait rappelé la nomenclature officielle des autorités compétentes pour la distribution des terres en RDC:
- le Parlement (dans l’attribution de grands espaces),
- le chef de l’Etat (dans la gestion et attribution des terres),
- le ministre des Affaires foncières,
- les gouverneurs de provinces (sauf celui de Kinshasa) et
- les conservateurs des titres immobiliers qui gèrent au quotidien les espaces publics.
S’agissant des autorités qui n’en ont pas qualité, il avait précisé que «les chefs coutumiers, au regard de la loi, n’ont pas le droit d’intervenir; les chefs de quartiers et des bourgmestres ne doivent pas délivrer les documents [pour vendre un terrain]».
- Aluma Musayi avait aussi ajouté sur la liste des intervenants illégaux:
- les agents et fonctionnaires du ministère des Affaires foncières
- les agents et fonctionnaires du ministère de l’Urbanisme et habitat
- les autorités militaires
- les policiers
- les magistrats du parquet et du siège.
Dans la soirée, après le départ des policiers, les 40 000 personnes délogées avaient regagné leurs maisons. Selon ces habitants, ils bénéficient d’un délai de trois jours, avant le retour des policiers. Entre-temps, ils se plaignent d’avoir perdu beaucoup de leurs biens pendant le déguerpissement mené par ces policiers accompagnés d’un huissier de justice.
Selon une femme habitant ce quartier, les familles ont réinvesti leurs maisons de leur propre chef, sans attendre de permission.
« Hier, c’était la panique. Certains propriétaires ont même piqué des crises. Comment expliquer ce déguerpissement sans préavis ? [Les policiers] se sont même permis de bloquer les portes des maisons avec des cadenas. Les propriétaires ne pouvaient plus y accéder », a-t-elle affirmé.
Pour cette habitante, le dossier aurait dû passer par le parquet afin de permettre à ces habitants de se faire entendre avant de décider de les déguerpir.
« Ça a été trop brusque. Maintenant on leur a accordé trois jours. On ne sait pas si, à l’expiration de ce délai, on viendra encore les jeter dehors », a-t-elle dit.
Vendredi matin, un greffier de justice accompagné de policiers avait procédé au déguerpissement des occupants du quartier Kimbwala 2, communément appelé Mideda, affirmant que cette concession appartient à un certain Mideda, dont le quartier porte le nom.
De leur côté, les habitants affirment détenir tous les documents en règle prouvant que ces maisons leur appartiennent.